27 décembre 2009

Georges de La Tour à l'île-aux-moines

Dimanche matin dans l'église de l'île-aux-moines, un rayon de soleil d'hiver fait vibrer les rouges et les verts profonds des manteaux des Saints dans les vitraux. La première lecture est très belle, je pense à ceux que j'aime et qui ne sont pas là, le temps est comme suspendu.

Lecture du livre de Ben Sirac le Sage

Le Seigneur glorifie le père dans ses enfants, il renforce l'autorité de la mère sur ses fils. Celui qui honore son père obtient le pardon de ses fautes, celui qui glorifie sa mère est comme celui qui amasse un trésor. (...)


Dans son homélie, le prêtre illustre son propos sur l'éducation des enfants et plus particulièrement des relations entre Jésus et ses parents à l'aide de l'image du fantastique tableau de Georges de La Tour, qui est conservé au Louvre, au deuxième étage de l'aile Sully. Je me souviens que la lecture du cartel m'avait fait froid dans le dos : "Saint Joseph, patron des charpentiers, travaille une poutre devant l'Enfant Jésus qui semble déjà y voir le bois de sa croix." ; et aussi que le tableau était parti pour une exposition au Musée municipal de Kyoto ces derniers mois.


Georges de LA TOUR (Vic-sur-Seille, 1593 - Lunéville, 1652)
Saint Joseph charpentier, vers 1640
Huile sur toile H. : 1,37 m. ; L. : 1,02 m., conservé au musée du Louvre

L'abbé, ravi d'avoir un public un peu élargi par les estivants en vacances, déroule son discours, ménage des silences étudiés, module le ton de sa voix avec un plaisir évident.

Il est vrai que cette oeuvre est extraordinaire, mais je me demande combien de personnes ont ce tableau en tête dans l'assistance ce matin.

Joseph est issu de la généalogie de David, époux de Marie et «père nourricier» du Christ, il est charpentier à Jérusalem. Le culte de Joseph connaît un grand renouveau à partir du XVIe siècle notamment grâce aux Jésuites, et aux Franciscains.

Ici, le charpentier est penché, occupé à percer une pièce de bois, alors que le Christ l’éclaire d’une bougie, dont la grande flamme irradie son visage.
La disposition des morceaux de bois au sol évoque une croix et préfigure le sacrifice du Christ.

Le peintre confronte le physique fruste et imposant du vieillard, au regard plein d’inquiétude, à celui de l’enfant dont la pureté est ainsi mise en valeur.
Ce contraste est accentué par la forte réflexion de la lumière sur le visage du Christ qui semble à son tour éclairer la pièce.
On retrouve fréquemment ce procédé dans les œuvres de Georges de La Tour. Il marque ainsi la présence de la divinité, dans une scène issue de la vie quotidienne.
Il en résulte à la fois une grande retenue et une force visuelle pénétrante.
Le peintre donne encore la mesure de son talent par des détails fascinants comme la main de l’enfant traversée par la lumière de la bougie ou la très belle nature morte du premier plan constituée d’un outil et d’un copeau de bois.

À la sortie de la messe les eaux métalliques scintillent autour des îles du fond du golfe, l'air est léger, le jardin à la toute petite porte est toujours là, le bonheur et le sentiment de liberté aussi.

07 décembre 2009

une bouteille à la mer


RongRong Untitled-Beijing_2008_No-25-138_x_147cm


Effroi et fascination, comme devant un miroir : une photographie de l'artiste chinois Rong rong vue à Bruxelles dans l'exposition Still Life de photographie chinoise contemporaine.


Les petites choses, toutes petites choses légères, gestes, regards, lumières qui ne durent qu'un moment, tissent l'une avec l'autre un fil de soi. Quand la tension du fil est extrême, la crainte de le voir se rompre occupe tout mon esprit.


"Séchez vos larmes mon enfant, les larmes abîment et creusent le visage. la vie n'est pas toujours si aisée qu'on croît que l'on soit bergère ou bien fille de roi".



19 novembre 2009

Paris Photo virtuel



Paris Photo 2009 au Carrousel du Louvre, je savoure à l'avance ma déambulation devant d'autres regards sur le monde. Cependant, une queue interminable et un droit d'entrée plus élevé que pour une exposition temporaire dans un grand musée me font renoncer.
Succédané sur le net : je découvre la création photographique de l'artiste iranien Abbas Kiarostami. Né en 1940, formé à l'école des Beaux-Arts de Téhéran, graphiste et affichiste, puis cinéaste, il est aussi un remarquable photographe.

"My photography is a reflection, which comes to life in action and leads to meditation. Spontaneity - the suspended moment - intervenes during action, in the viewfinder."



From Rain. 2006.
A series of 7 C-prints28 1/2 x 41 1/4
"Collection of the Iranian Art Foundation, New York

Son univers porte un regard intériorisé sur le monde. Je peux faire miennes ses images, les perçois comme un support de méditation poétique. Je peux ainsi fermer les yeux pour mieux voir.


Abbas Kiarostami, 'Trees in Snow'. Copyright Abbas Kiarostami

Ses arbres me touchent particulièrement, ils ouvrent une porte.
Je sens le grain de leur peau sous mes doigts.


From Trees and Crows. 2006.
A series of 17 C-prints28 1/2 x 41 1/4
"Collection of the Iranian Art Foundation, New York



Port d'attache

Novembre, le jour décline déjà.
Dans le creux de ma main le pain diffuse une bonne chaleur.
Les enseignes en croix grecque des pharmacies rivalisent de fluorescence.
L'inclinaison de la rue laisse au loin un espace suffisant aux nuages frangés de rose.
Ils se déplacent d'un mouvement fluide et lent.
Rentrer à l'abri des regards, oublier le bruit, raconter la journée, écouter leurs journées : j'aime le soir, quand le temps cesse d'être fractionné et se concentre en une étendue qui semble sans limite.

11 novembre 2009

fascination

Ce matin je songe aux oiseaux.
Je lis, consulte des images et ne peux aller plus loin aujourd'hui tant la fascination de celle-ci me saisit.

peinture sur bois 220 x 195 cm
Triptyque peint par Hieronymus van Aken,
dit Jérôme Bosch vers 1504
conservé à Madrid, Museo del Prado

Le plus grand et le plus féerique triptyque de Jérôme Bosch comporte sur le volet gauche le Paradis, souligné par les nuances tendres et claires du vert, du bleu, du jaune et de l'ocre et, sur le volet droit, l'Enfer musical, maintenu dans des couleurs sombres et froides du noir bleuté au gris.


Dans le panneau central, une véritable explosion de couleurs rehausse l'illustration prodigieuse du paradis artificiel où tout est calme et volupté.
Dans un vaste paysage lumineux, Jérôme Bosch organise la scène en quatre plans concentriques, peuplés de dizaines d'êtres humains nus, d'animaux et de créatures monstrueuses.
Maints détails, comme les fruits et les oiseaux, sont d'une taille disproportionnée.

Le Jardin des délices,détail du panneau central

Ce sont ces oiseaux géants qui éveillent en moi un sentiment étrange et merveilleux sur lequel il m'est difficile de poser des mots. Je pense à ce que Socrate nommait "la démangeaison des ailes".
L'oiseau, frère cadet de l'ange apprend l'essentiel : le détachement, l'acceptation joyeuse de sa singularité, surmonter sa fragilité en récusant les inutiles soucis.
Être à chaque instant neuf dans la plénitude de la liberté.

08 novembre 2009

Correspondances

Giotto Scène de la prédication aux oiseaux

1297-1299 Fresque - 270 x 200 cm

Nef de la basilique supérieure, Assise


Quand notre excellent professeur d'histoire de l'Art du Moyen-Âge, raconte Giotto et le Trecento le temps est comme suspendu.

Un matin de ciel gris, il nous parle des fonds bleus de Giotto (1267-1337), en particulier ceux des fresques de la basilique d'Assise. L'une d'elles, "le prêche aux oiseaux, de Saint François" est particulièrement émouvante.

Ici Saint François, après s'être étonné que les oiseaux se soient rassemblés et l'attendent, les prie humblement d'écouter la parole de Dieu : "mes frères les oiseaux, vous avez bien sujet de louer votre créateur et de l'aimer toujours..."

Le paysage y est sobre et nu pour donner toute l'attention à l'humain. Giotto crée un espace scénique, ménage l'illusion d'un vide où les acteurs s'expriment.

Pour cela, il tend à l'arrière cette toile de fond bleue : ce n'est pas le ciel, mais une couleur abstraite. Elle est un peu l'équivalent de l'or des icônes byzantines.

Elle est là pour transporter la scène hors du quotidien avec quelques éléments de décor.

Il peint non pas une colline mais une idée de colline, non pas des arbres mais des idées d'arbres.

Tout cela pour représenter la vie par les gestes, les attitudes des personnages ;

tout cela pour donner à voir le mouvement franciscain profondément humaniste qui se répand à la fin du XIIIe et au début du XIVe siècle en Italie.




Quelques années plus tard Giotto peindra 38 fresques dans la chapelle de la famille Scrovegni à Padoue, illustrant des scènes de la vie de la Vierge et du Christ. On y retrouve les merveilleux fonds bleus comme celui de cette crucifixion où il sublime l'intensité dramatique.


Giotto La Crucifixion

Chapelle Scrovegni ou de l’Arena

Fresque, 200 x 185 cm - 1304-1306



Quelques siècles plus tard,

Yves Klein (1928-1962), raconte que ses monochromes lui viennent après une visite à Assise dans les années 50 : "je considère comme réel précurseur de la monochromie que je pratique, Giotto pour ses monochromes bleus d'Assises, appelés découpages du ciel par les historiens de l'art, mais qui sont bien des fresques monochromes unies."



Yves Klein, Monochrome bleu (IKB 3), 1960
Pigment pur et résine synthétique sur toile marouflée sur bois
199 x 153 cm



"Comme de longs échos qui de loin se confondent

Dans une ténébreuse et profonde unité,
vaste comme la nuit et comme la clarté,
les parfums,les couleurs et les sons se répondent"

Charles Baudelaire (1821-1867)
Les fleurs du mal / Correspondances, extrait






05 novembre 2009

Délicieuse coïncidence


Fabienne Verdier
Ascèse du 02 février 2009
Série : Silencieuse Coïncidence
Pigments et encre sur toile 250 x 183 cm

"L'envoyé du pape s'étant mis en route, pour aller voir Giotto et apprendre quels autres maîtres il y avait à Florence excellant en peinture et en mosaïque, passa par Sienne, où il s'aboucha avec nombre de peintres qui lui remirent des dessins. Arrivé à Florence, il se rendit un matin dans l'atelier de Giotto qu'il trouva en train de travailler, et lui exposa quelles étaient les intentions du pape. Il finit par lui demander un dessin qu'il pût envoyer à Sa Sainteté. Giotto qui était d'un caractère enjoué, prit une feuille de papier, appuya son coude sur sa hanche, pour former une espèce de compas, et traça, avec un pinceau teint en rouge, un cercle si égal de rayon et d'épaisseur que c'était une merveille à voir. Cela fait, il dit en souriant au gentilhomme : "voilà le dessin demandé." Celui-ci se voyant joué, s'écria : "n'aurai-je point d'autre dessin que ce rond ? - Il est plus que suffisant, lui répondit Giotto ; envoyez-le avec les autres, et vous verrez si on en reconnaîtra l'auteur."
L'envoyé du pape, voyant qu'il ne pouvait obtenir d'autre dessin, s'en alla fort mécontent, soupçonnant qu'il avait été bafoué. Néanmoins il envoya ce dessin avec les autres au pape, et les noms de ceux qui les avaient faits et raconta comment Giotto avait tracé son cercle, sans remuer le bras et sans compas. D'où le pape et ses courtisans qui s'y entendaient comprirent combien Giotto l'emportait sur tous les autres peintres de son époque."

Giorgio Vasari (1511-1574)- Vies des artistes /
Giotto di Bondone (1266?-1337)- Grasset, coll. Les Cahiers Rouges


14 septembre 2009

Cathédrales romanes en Bourgogne


Les nefs de la cathédrale Saint Lazare d'Autun, construite au XIIe siècle, sont en voûte en berceau brisé. La lumière qui coule à travers ses vitraux est douce et tiède ce matin.
La déambulation me conduit vers un ange peint à fresque sur le mur d'une chapelle latérale : timide et charmant, il dissimule ses pieds nus derrière un drap de lin blanc et son oeil gauche avec la manche de sa chemise. J'admire la beauté délicate de ses ailes en plumes de paon.
Un peu plus tard nous nous arrêtons dans une autre cathédrale où l'odeur de la mousse, le miroitement des rayons du soleil qui joue sur les troncs veloutés et les cantiques des oiseaux dissimulés dans les hauteurs libèrent une sensation tangible de bonheur que j'aspire goulûment pour n'en rien en perdre.

11 septembre 2009

Performance aux Farfouillettes


"Dans la vitrine des Galeries Lafayette, boulevard Haussmann,un petit train électrique traverse la tête d’une femme, circulant de son oeil gauche jusqu’à sa bouche bée. Plus loin, un oeuf suspendu dans une cuisine pleure des larmes de crocodile, et, dans un décor d’usine, des gerbes d’étoiles éclairent des fenêtres en meurtrière.

L’auteur de cette mise en scène, sombre et poétique, n’est autre que le cinéaste David Lynch,également artiste peintre et plasticien," écrit Véronique Lorelle dans Le Monde.


Oui, c'est mélancolique et onirique à souhait, fascinant car non mercantile aussi, mais je ne parviens pas à définir la petite amertume après la première bouchée...


"Ce qui m'a excité dans le projet Galeries Lafayette, c'est de créer un véritable street museum. J'ai imaginé onze installations dont le but est de tout simplement donner à rêver... Pour moi, ces vitrines sont comme des boîtes à bijoux. Elles présenteront des scènes avec des paysages et des personnages qui évoqueront la machine, l'abstraction et la femme, avec des sons, des figures animées et des lumières. J'espère qu'elles auront leur magie et qu'elles laisseront toute sa place au rêve", dit David Lynch.


Les gravures exposées au premier étage des Galeries sont encore plus noires. Ces rêves, ses rêves à lui sont plutôt des cauchemars. J'ai le plus grand respect pour cet artiste mais je n'ai pas envie de me laisser entraîner dans les noirceurs et les grincements de son univers douloureux.

Seulement voilà, j'y pense, j'en parle ici, alors c'est qu'il émane de ces créations une forme de magie qui m'a envoûtée malgré tout !




Proust en attendant que l'eau bouille


Manet, 1880, Huile sur toile de 16 x 20 cm conservée au Musée d'Orsay à Paris

Pour cuire les raviolis charnus ricotta-épinards qui attendent sagement dans leur sachet de papier, il faut beaucoup d'eau. J'attends qu'elle bouille en rêvassant. Près de la cuisinière, le plat à asperges en barbotine de ma grand-mère conduit le fil de mes pensées vers ces mots de Proust à la lecture desquels je frissonne de plaisir :

"[...]mon ravissement était devant les asperges, trempées d’outremer et de rose et dont l’épi, finement pignoché de mauve et d’azur, se dégrade insensiblement jusqu’au pied,-encore souillé pourtant du sol de leur plant,-par des irisations qui ne sont pas de la terre. Il me semblait que ces nuances célestes trahissaient les délicieuses créatures qui s’étaient amusées à se métamorphoser en légumes et qui, à travers le déguisement de leur chair comestible et ferme, laissaient apercevoir en ces couleurs naissantes d’aurore, en ces ébauches d’arc-en-ciel, en cette extinction de soirs bleus, (...)"

10 septembre 2009

la preuve Parr trois

Un petit tour sur la Planète Parr au Jeu de Paume, et le plaisir d'y retrouver, au détour d'une cimaise, les images délicates et la lumière douce de la photographe japonaise Rinko Kawauchi ;

et encore, et surtout de "refaire le match" de la fin des vacances avec deux amies autour d'une petite salade sous les frondaisons des Tuileries !


07 juin 2009

magnifique !


délicieuse sensation de se sentir magnifique malgré les paupières un peu froissées et les cheveux en bataille un dimanche matin ...

17 mai 2009

Jingdezhen, Picasso & Diane



Partie pour voir une exposition de céramiques de Jingdezhen, capitale de la porcelaine chinoise, au siège de l'UNESCO, j'étais persuadée d'aller admirer des merveilles, des céladons des Song (960-1279) et des bleus et blancs des Ming (1368-1644). Ici, il y a une ambiance d'aéroport. On échange sa carte d'identité contre un badge à porter autour du cou.
Malheureusement les céramiques chinoises présentées sont contemporaines et sans intérêt. Un peu déçue, je regarde autour de moi et réalise que je suis dans un stupéfiant bâtiment des années 60, au volumes insensés, rythmés de béton brut imposant sans être écrasant.

Sortie de mes rêves de montagnes gracieuses et de rivières bleues chinoises, je croise dans le hall d'entrée un "homme qui marche" de Giacometti, 1960, il est plus grand que moi et semble se mouvoir dans un espace de temps parallèle au notre. 
Je cherche un dépliant sur les architectes du lieu, le trouve. Marcel Breuer, Bernard Zehrfuss et Pier Luigi Nervi. Je me souviens que Breuer enseignait au Bauhaus comme Kandinsky.
Au-de-là de la salle d'exposition, dans un grand hall, je m'assied sous une très belle mosaïque romaine d'El Jem, une cité antique de Tunisie, du IIe siècle. Une Diane chasseresse y pose négligemment à l'ombre du tympan d'un petit édicule à quatre colonnes. Elle est entourée d'animaux sauvages, lions, taureau, cervidés, etc. Les tesselles ocre jaune, rouge, brun et bleu-verts ont une matité très douce malgré la vitre de protection.
En face de la mosaïque, une rangée de quatre cabines téléphoniques d'époque ressemblent à de vieux séchoirs de coiffeur qui auraient été renversés.
Dans le même hall, je contemple quarante panneaux de bois peints par Pablo Picasso qui s'assemblent sur un haut mur en trapèze et représentent des gens qui se baignent. Je lis aussi que l'oeuvre, commandé par l'UNESCO en 1957 a été incluse dans les plans de construction du bâtiment et nommée la chute d'Icare par l'historien d'art Georges Salles qui présidait le Comité des Conseillers artistiques. 
Je me dis que c'est un grand privilège d'être là, seule pour faire la connaissance de cette oeuvre monumentale. Le hall est en effet désert, pas un bruit non plus ! Plus loin encore, une autre série de "cabines téléphoniques-mandorles", orange vif cette fois se tiennent bien sagement sous une magnifique toile d'Antoni Tapies, "Totes les cases" de 1994.
Je reviens sur mes pas, des messieurs en costume de toutes nationalités traversent à présent le hall de temps à autre. Je retourne m'asseoir sous la mosaïque, un homme sombre et smart, parapluie sur l'avant bras décroche un téléphone d'une des cabines et parle en français avec un accent slave puis en anglais, puis dans une langue que je ne connais pas.
En partant, je remarque encore un "bijou" dans une montée d'escalier : une tapisserie de 1956, d'après un carton de Le Corbusier.

J'étais venue voir des merveilles et je n'ai pas été déçue !

14 mai 2009

Regards sur le passé

Vassily & Nina Kandinsky dans le jardin du Bauhaus, Dessau vers 1931


Une centaine de tableaux de grand format de Kandinsky entrent dans mes yeux comme la pluie dans le cou, une sensation de saisissement, un frisson qui émerveille, effraie un peu aussi.
"Les grands tableaux qui se forment peu à peu dans mon coeur", c'est par ces mots que Kandinsky révèle son amour de la peinture, dans une lettre de 1915 à sa compagne Gabriele Münter.

L'accrochage chronologique est très pédagogique et permet d'appréhender les articulations de la vie et de l'oeuvre de cet artiste, son évolution vers l'abstraction, de ses débuts en Russie où il naît en 1866, à la période du Bauhaus, en Allemagne dans les années 20 et jusqu'à l'époque parisienne des années 30 et 40.
Je suis d'ailleurs étonnée par cette dernière période que je découvre ici, et qui développe un vocabulaire formel renouvelé. La gamme chromatique est pleine de fraîcheur, des petits êtres biomorphiques s'animent comme sous la loupe d'un microscope.

 
Blue World, 1934, huile sur toile 110,6 x 120,2 cm
Solomon R, Guggenheim Museum New York

Kandinsky exprime admirablement ce cheminement vers l'abstraction dans ce récit :

"« […] Je vivais déjà à Munich, je fus ravi un jour par une vue tout à fait inattendue dans mon atelier. C’était l’heure du jour déclinant. Après avoir travaillé sur une étude, je venais de rentrer chez moi avec ma boîte de peinture […] lorsque j’aperçus un tableau d’une indescriptible beauté baignée de couleurs intérieures. Je commençais par me renfrogner, puis me dirigeai droit sur cette œuvre énigmatique dans laquelle je ne voyais rien d’autres que les formes et des couleurs dont le sens me restait incompréhensible. Je trouvais instantanément la clef de l’énigme : c’était un de mes tableaux posé de côté contre le mur. Le jour suivant, je voulus reproduire l’impression à la lumière du jour. Mais je n’y parvins qu’à demi : même de côté, je reconnaissais sans cesse les objets, et il y manquait le subtil glacis du crépuscule. Je savais à présent très exactement que l’objet était nuisible à mes tableaux. » (Regards sur le passé et autres textes : 1912 – 1922.)

C'est une exposition si dense, je vais y retourner...