23 juillet 2012

SHOCK

Depuis l'angle des rues Notre-Dame-de-Lorette et Lamartine j'entame l'ascension des 885 mètres de la rue des Martyrs dont le point culminant conduit au 14 rue La Vieuville, non sans songer à la signification symbolique de cette lente progression. Je me souviens d'avoir lu que cette rue -des Martyrs-  fut ainsi nommée car c'est celle qu'aurait empruntée, selon une ancienne tradition, Saint Denis, premier évêque de Paris, martyr sous l'Empire romain. Après avoir été décapité, il marcha sur cette route, tenant sa tête entre ses mains, pour s'écrouler quelques kilomètres plus au Nord, où fut fondée la Basilique Saint Denis.


















Au terme de cette ascension, la jolie facade au charme désuet d'un ancien magasin de papiers peints signalé par de grandes lettres rouges dans un écrin de bois bleu s'ouvre sur la galerie Spree dédiée à l'art contemporain et au design. Roberta Oprandi (styliste) et Bruno Hadjadj (artiste plasticien et décorateur) y présentent et défendent les œuvres d'un groupe d'artistes contemporains, hétéroclite et pertinent. En face, au numéro 16, la boutique Spree assemble une sélection affûtée de créateurs, de designers des années 50 aux années 80 et des artistes contemporains.


Un peu essoufflée, dès le seuil franchi le choc est immédiat.          
SHOCK N°1 © Damien Peyret
Tirage fine art encadré sous verre brisé
20 cm X 25 cm Edition # 3    
80 cm X 100 cm Edition # 3






















La première impression est physique, sans lire la partition, l'œuvre résonne déjà intensément.
SHOCK N°2 © Damien Peyret
Tirage fine art encadré sous verre brisé
20 cm X 25 cm Edition # 3    
80 cm X 100 cm Edition # 3






















Pour canaliser l'émotion, la contextualiser, je lis les mots de l'artiste :
"J'ai réalisé ces photographies quelques jours après le double attentat d'Oslo et d'Utoeya. Je fais le tour du centre d'Oslo ébranlé par la puissance de la bombe. Je photographie les rues autour du périmètre de sécurité. Toutes les vitres des immeubles ont été soufflées ou brisées et recouvertes à la hâte de panneaux de bois. Le quartier a l'aspect d'une ville fantôme. Dans la cathédrale, les Norvégiens allument chaque jour des centaines de bougies, à l'extérieur, des milliers de roses gisent dans les jardins. En brisant les vitres sur mes images, je matérialise l'impact de la violence qui affecte notre monde et nous atteint physiquement et émotionnellement."
SHOCK N°4 © Damien Peyret
Tirage fine art encadré sous verre brisé
20 cm X 25 cm Edition # 3    
80 cm X 100 cm Edition # 3






















L'artiste est là, talentueux réalisateur et photographe sensible, Damien Peyret, volubile, le regard brillant, raconte avec passion cette aventure, sa démarche.
SHOCK N°9 © Damien Peyret
Tirage fine art encadré sous verre brisé
20 cm X 25 cm Edition # 3    
80 cm X 100 cm Edition # 3






















Je ressens charnellement l'impact de ses images. C'est une sensation sonore, plus qu'un regard, un cri qui provoque une fêlure. La photographie seule aurait pu raconter, donner à voir ces scènes inhabituelles comme une écriture dactilographiée. Avec l'intervention du cadre brisé de Damien Peyret, l'écriture devient manuscrite et l'on se surprend à reconstituer mentalement son geste, à se l'approprier, à en ressentir toutes les émotions.
SHOCK N°5 © Damien Peyret
Tirage fine art encadré sous verre brisé
20 cm X 25 cm Edition # 3    
80 cm X 100 cm Edition # 3






















La percussion du cadre brave un interdit, libère la force et la violence de l'image prisonnière derrière son verre, la mise à distance devient impossible : le spectateur devient acteur et ne peut échapper à cette manifestation concrète de l'indicible.
SHOCK N°12 © Damien Peyret
Tirage fine art encadré sous verre brisé
20 cm X 25 cm Edition # 3    
80 cm X 100 cm Edition # 3























Enfin le "douzième Shock", et ses brisures légères comme une constellation, apporte un peu d'apaisement, il est comme une offrande, une prière murmurée qui entrouvrirait la douzième porte de la Jérusalem céleste.


OFFRANDES © Pascale Peyret






















Le récit de cette ascension vers la découverte des territoires inexplorés des évènements de l’été 2011 en Norvège serait incomplet sans s’arrêter sur l’autre versant de cette éminence émotionnelle.

C’est du regard de la photographe et plasticienne Pascale Peyret qu’il s’agit, exposé comme en écho, au même moment en Norvège.
La beauté saisissante de ces images nourrit l’espérance d’une rédemption, invite à la méditation.



Références /
Damien Peyret
Pascale Peyret

Galerie Spree
Une interview du très sympathique co-créateur de la galerie, Bruno Hadjadj 


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Oh ! Un vrai choc, beau et dur